MONET _ MITCHELL
Fondation Louis Vuitton
EN VILLE - IN TOWN
C’est le sobre intitulé de l’exposition que donne à voir la
Fondation Louis Vuitton. Jusqu’au 27 février 2023
Face à face miroir de l’œuvre de ces deux grands artistes ainsi qu’une rétrospective de Joan Mitchell.
par Véronique Dupard-Mandel
Le tout magistralement orchestré par Suzanne Pagé, aux manettes du commissariat général de l’exposition et fan de la première heure (première rétrospective en France de Joan Mitchell au Musée d’Art Moderne de Paris en 1982).
Mais qu’est-ce que le vieux monsieur barbu décédé en 1926 et l’américaine Mitchell née en 1925 ont-ils à voir ensemble ?
Beaucoup, mais pas tout …
Monet, comme Mitchell, fumaient beaucoup et avaient un caractère difficile. Claude Monet avait une réputation d’homme colérique et sauvage. Son ami Georges Clémenceau ne le surnommait-il pas "le vieux hérisson sinistre »?
Nombreux sont les témoignages sur le caractère « abrupt » de Mitchell. (relire à ce propos le papier édifiant, hilarant et émouvant de Philippe Dagen pour le Monde datant de 1992*). Dans une vidéo de l’exposition elle aussi se plaint d’être traitée de « sauvage » en France. Coïncidence ?
Il est de notoriété publique comme le souligne Guy Bloch-Champfort*, ami de Joan Mitchell, coordinateur de sa succession, grand amateur d’art et auteur d‘un remarquable ouvrage de recueils et d’interviews* qu’elle acceptait plus volontiers une affiliation à Van Gogh, Cézanne et Matisse, qu’à Claude Monet.
Mitchell Two Sunflowers, 1979
Mitchell, Red tree, 1976
Mitchell , Little trip, et carnets de dessins
En-tête 5
Sunflowers, 1990-91
Si ces deux artistes ont en commun des formats hors-normes et un talent de coloriste, ni l’un ni l’autre ne revendiquait d’appartenance à une école de peinture. Le fait d'assimiler Monet à l' Impressionnisme vient d’un article visant initialement à le ridiculiser. Et Joan Mitchell se défendra toujours elle aussi d’appartenir à un mouvement ou une école. Certainement pas à l’Impressionnisme, pas plus qu’à l’Expressionnisme Abstrait, qu’elle reniera furieusement. Un groupe ? Oui ou plutôt un réseau d' amis avec lesquels elle buvait des coups au Cedar Bar à New-York dans les années 50. La bande des « Action Painters », Jackson Pollock, William de Kooning, Franz Kline et autres. Probablement plus son truc à elle.
Claude Monet et Georges Clémenceau
Joan Mitchell et Jean-Paul Riopelle , Venise 1962
Guy-Bloch-Champfort se souvient d’une confidence de son amie, elle se plaignait déjà du parallèle et regrettait « le manque de lumière » dans les toiles de Monet.
Monet, Nymphéas, 1914-1916
Monet, Nymphéas, 1914-1916
Et pourtant, au vu de cette exposition, il est évident qu’ils avaient en commun l’amour de la nature, du paysage, comme source sans cesse renouvelée d’inspiration et le hasard (ou pas) a conduit Joan Mitchell à deux pas de chez Claude Monet. Ainsi contemplait-elle les mêmes paysages « aux petit matins violets » qui avaient inspiré le vieil homme. Ainsi était-elle inconsolable des amis perdus comme lui-même de sa chère Alice.
Joan Mitchell - Un Jardin pour Audrey, 1975
Claude Monet, La Maison , vue du jardin aux roses 1922-24
Joan mitchell, Vétheuil 1991 ©Christopher Campbell
Claude Monet à l'âge de 25 ans 1865 ©Etienne Carjat
Guy Bloch-Champfort « Joan Mitchell – Témoignages et confidences » éditions Les Presses du Réel
https://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=9815&menu=0
Au fil des témoignages de vingt-quatre personnalités du monde de l'art; artistes, historiens d'art, galeristes et amis proche de l'artiste, Guy Bloch-Chamfort dresse un portrait intime de l'une des plus grandes peintres américaines du XXe siècle
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Entretiens avec Paul Auster, Claude Bauret-Allard, Carole Benzaken, Frank Bordas, Velma Bury, Henri-Claude Cousseau, Philipe Dagen, Monique Frydman, Alan Glass, Elga Heinzen, Jacqueline Hyde, Betsy Jolas, Klaus Kertess, Serge Lemoine, Adrien Maeght, Brice Marden, Dominique Marquet, Joyce Pensato, Philippe Piguet, Marcelin Pleynet, Philippe Richard, Michaële Andréa Schatt, Mâkhi Xenakis, Zuka.
L'auteur Guy Bloch-Champfort à la Fondation Louis Vuitton et dans sa bibliothèque
La fureur de Joan Mitchell
De Chicago aux bords de la Seine, la recherche d’une indépendance absolue.
Par Philippe Dagen
Publié le 02 août 1992